Résumé de la thèse

Depuis ses débuts, le cinéma met en scène le cosmos. De Le Voyage dans la Lune de Georges Méliès (1902) à Ad Astra de James Gray (2019), en passant par 2001, L'Odyssée de l'Espace de Stanley Kubrick (1968) ou encore Star Wars de George Lucas (1977), de nombreux films ont tenté de le représenter en s'appuyant sur des récits réalistes ou non. Indépendamment de leur genre, ces films spatiaux, comme on pourrait les appeler, impliquent nécessairement une fictionnalisation cinématographique du cosmos. Cette dernière nous interroge en tant que processus évolutif peu abordé jusqu'à maintenant. En s'en saisissant comme question centrale de cette thèse, nous voudrions non seulement assouvir une curiosité d'ordre historique quant à l'évolution même des films spatiaux jusqu'à aujourd'hui, palliant ainsi l'absence de travaux les concernant précisément, mais nous voudrions également nous interroger sur ses effets éventuels. En cela, nous suivrons méthodologiquement la pensée anthropologique d'Edgar Morin pour qui le cinéma se comprend à l'aide de la société tout autant qu'il permet de la comprendre.

 

Ainsi, nous nous poserons la question suivante : En passant par la représentation aussi bien que par le récit, la fictionnalisation évolutive du cosmos au cinéma produirait-elle une territorialisation imaginaire entraînant la formation de ce qu'on pourrait appeler un metacosmos ? Nous explorerons cette problématique à travers un corpus de films de fiction voulu le plus exhaustif possible entre les débuts du cinéma jusqu'à 2020 afin de retracer, dans un premier temps, comme une histoire du cinéma spatial. Il faudra se demander en effet si dès ses débuts, le cinéma en proposant une mise en fiction du système solaire n'aurait pas participé à la formation d'une cosmo-esthétique - terme proposé par Elsa de Smet qui nous aiguillera pour explorer les liens de filiation entre arts, sciences et cinéma. Nous ferons ensuite l'hypothèse que l'intensification de la fictionnalisation cinématographique engendrerait un cosmos d'imagination reposant principalement sur une territorialisation imaginaire. En l'envisageant dans la continuité du territoire tel que conceptualisé par Alain Milon, c'est-à-dire comme une construction sensible, nous voudrions signaler un investissement imaginaire d'un cosmos qui dès lors ne correspond plus tout à fait au réel. La rencontre de ces cosmos, qu'on pourrait dire de réalité et d'imagination, serait également surprise par un troisième intervenant que serait le cosmos de simulation, avec l'arrivée des images numériques dans les années 80.


Nous verrons dans un second temps, comment la territorialisation imaginaire à travers ces trois cosmos (de réalité, d'imagination, de simulation) pourrait développer un « metacosmos » propre au cinéma. Celui-ci se vérifierait particulièrement dans les films spatiaux des années 2010 en mettant en place sa propre cosmologie, que nous aborderons grâce à la définition de l'anthropologue
Eduardo Viveiros de Castro. Elle indiquera une grille d'analyse précise passant par l'étude de la carte, de la mythologie et de la dynamique spirituelle du metacosmos. Ce dernier pourrait alors révéler sa propre ambivalence entre la modernité et l'archaïsme - typique du cinéma selon Edgar Morin. Nous interrogerons encore cette ambivalence dans notre dernière hypothèse quant à la possibilité du metacosmos cinématographique de se prolonger à travers un nouveau dispositif comme celui de la réalité virtuelle pour lequel sont spécifiquement produits certains films, envisageant de cette manière une possible ouverture.

 

Désirant s'inscrire dans le sillage des études émergentes sur l'astroculture, telle que dénommée par Alexander Geppert, ce voyage à travers le cinéma spatial sera l'occasion d'en dresser l'évolution mais surtout de s'interroger quant à l'impact qu'il peut avoir sur notre propre rapport au cosmos.

 

Mots clés : Cinéma spatial - film spatial – astroculture – astronomie – cosmos – metacosmos – cosmologie –
fictionnalisation - territorialisation imaginaire - réalité virtuelles - arts